Nos ancêtres avaient eux aussi des factures à payer ou à émettre. Faut-il jeter ces vieux papiers ou comment peut-on analyser les informations qui les comportent ?

Un outil règlementaire

Sur une facture, on s’attend à voir le nom de l’entreprise, son adresse, ses modalités pour la contacter, mais aussi la date d’émission. Le formalisme n’était pas le même que celui indiqué par Bercy.

Ainsi, il n’est pas rare de ne pas y trouver certaines informations, qui nous sommes aujourd’hui habituelles. C’est le cas par exemple de l’inscription au registre de commerce (en vigueur depuis la loi du 26 juin 1920) ou la mention de la TVA (en vigueur depuis 1954).

Les mentions des factures anciennes reflètent donc plus les modalités pratiques sur la livraison ou le paiement.

Un outil marketing

Bien au-delà de l’identification de l’entreprise, la facture est un outil de marketing. L’entête précise, selon les cas :

• les brevets d’invention, médailles ou récompenses ;
• un dessin des produits vendus ou un logo, vecteurs d’une identification visuelle rapide ;

• la date de création et/ou les successeurs ;

• une représentation (et plus tard une photo) des bâtiments, montrant l’importance ou la modernité de ceux-ci.

La tarification

Il est plus facile de trouver une facture qu’un catalogue de prix. Lire une facture ancienne permet de connaitre les tarifs pratiqués. Une quantité, un descriptif, un prix unitaire puis global sont généralement indiqués. Parfois une mention permet de comprendre si le commerçant pratique le B to B ou le B to C, c’est-à-dire si sa clientèle est constituée d’autres entreprises (à tarif privilégié) ou de particuliers.

La facture peut refléter un geste commercial ou promotionnel par le biais d’un rabais ou d’une remise. Consulter plusieurs factures d'une même entreprise peut permettre de connaitre les pratiques commerciales.

La facture peut également rappeler la présence d’un dû sur une facture précédente.

Le paiement

Gardez à l’esprit que la facture n’est pas forcément faite au fil de l’eau. C’est le reflet qui ressort des contrôles, par exemple lors de la mise en place de la contribution sur les bénéfices de guerre.

Pour certaines entreprises, les clients ont un compte qu’ils épurent à une fréquence plus ou moins régulière : tous les mois, tous les trimestres, deux fois par an à l’occasion d’une foire… Pendant cette période, les clients achètent un produit et le font mettre « sur leur compte ». Cette pratique a perduré longtemps dans certains commerces, obligeant le commerçant à faire l’avance de trésorerie pour ses clients.

Le paiement de la facture peut donc être « comptant », c’est-à-dire sur présentation de la facture, ou bien « contre-remboursement », c’est-à-dire à livraison de la marchandise.

Mais une grande partie des factures portent la mention « valeur au » ou « valeur de ma traite au ». C’est le délai accordé pour procéder au paiement.

Cette date peut également être indiquée dans des cases pré-imprimées sur la facture. Le principe de la traite, ou lettre de change, permet au tireur (la société qui a vendu) de donner l’ordre au tiré (l’acheteur) de paiement le montant de la facture à une date fixée. Ce principe permet à l’acheteur d’avoir le temps de vendre la marchandise avant de la payer et le tireur, lui, est sûr que sa créance sera reconnue s’il n’est pas payé.

Un escompte peut être accordé à l’acheteur, dans ce cas, la facture est réduite d’un pourcentage en contrepartie d’un paiement dans un délai plus rapide que celui prévu comme date d’échéance.

Le timbre

Le timbre présent sur une facture est plus généralement celui lié à l'effet de commerce. Cependant, quelques factures peuvent comporter un timbre de la poste, signifiant comment celles-ci ont été transmises aux clients.

La livraison

Quand on ne peut pas prendre soi-même la marchandise, la facture prévoit les modalités de la livraison.

Elle peut être :

• gratuite, on voit alors apparaitre la mention caisse gratuite, ou livraison gratuite ;
• franco de port, c’est donc le vendeur qui paye les frais de livraison ;
• payante, dans ce cas, on voit la mention colis postal, frais de livraison et d’emballage devant la somme à ajouter au prix des produits.

L’expédition peut être par poste, ou par train. La gare de départ est souvent précisée, parfois en abréviation.

L’expédition peut être plus ou moins rapide. On parle alors de petite vitesse ou de grande vitesse. Cette dernière, bien que plus couteuse, était recommandée pour les produits alimentaires.

Un moyen de communiquer avec le client

Le bas d’une facture est parfois l’occasion de communiquer avec le client. Par exemple pour avertir qu’un article n’est plus disponible depuis le passage du commercial parce qu’un client l’a acheté en magasin, indiquer que les tarifs vont évoluer, qu’on a fait une ristourne commerciale, remercier pour la commande, proposer de nouveaux produits…

La mention est manuscrite, dactylographiée, et accompagnée ou non d’une signature. Le message est susceptible d’être personnalisé, mais certaines factures ont pré-imprimé des remerciements pour la commande et la confiance accordée à l’entreprise.

Un cercle vertueux

La facture préimprimée est réalisée par un imprimeur local. Faire imprimer des documents commerciaux, c’est mettre en valeur le travail d’une autre entreprise et donc créer un cercle vertueux. La démocratisation des coûts d’impression permet de constater que mêmes des petites entreprises peuvent avoir une facture à leur goût ou leur image.

Les retours et consignes

Certaines entreprises prévoient la consigne des emballages ou contenants. A l’instar des drives de nos supermarchés avec leurs sacs en papier, les clients sont invités à renvoyer fûts, caisses ou autres dans un délai imparti afin de bénéficier d’un remboursement lors de la prochaine facture, ou d’une facturation particulière si le retour n’a pas été fait.

Les taxes

La TVA n’apparait qu’en 1954. Avant cette date, des taxes obligatoires sont collectées avec la facturation. 3, 20 ou 30% selon les produits sont ajoutés à la facture, qui précise éventuellement s’il s’agit d’une taxe d’armement ou d’octroi.

Certaines factures portent le tampon du BOSP (Bulletin officiel du service des prix dont le 1^er numéro date du 2 mai 1941) ou de PCA (qui pourrait être un prix constaté d’avance).

Trouver les factures

A l’instar des cartes postales ou du courrier de nos ancêtres, les factures sont à rechercher autant chez les destinataires que dans les archives de la société émettrice. Connaitre les noms et adresses des clients facturés est une tâche difficile à moins de n’avoir accès à un livre de compte. Encore faut-il que ces documents comptables aient été stockés quelque part, puisque les délais de conservation des factures dépassent rarement dix ans.

Une simple facture ?

Une facture n’est pas un document anodin. Elle est le reflet de compétences, de modes de vie, de pratiques commerciales et est remplie de sigles parfois difficiles à déchiffrer. Retrouver des factures est un des moyens originaux de compléter une histoire familiale ou locale, tant pour un particulier que pour un ancêtre artisan, commerçant ou industriel.

© 2025 Généalanille Article publié le 23 juin 2025

Documents : collection C. Cheuret