Un enfant exposé au tour de l’hospice
« Un enfant exposé au tour de l’hospice » est une mention que l’on peut retrouver dans les actes d’état civil. Le tour d’exposition, ou tour d’abandon, a-t-il été une bonne idée ? Quelles recherches faire sur ces enfants exposés ?

Acte d'état civil de Nevers - 1810 -5Mi1-83-AD58
La création des tours
L’abandon d’enfant par le biais d’exposition sur la voie publique, généralement à proximité de châteaux, couvents ou églises existait déjà sous l’ancien régime. Le mot « tour » apparait officiellement dans le décret du 9 janvier 1811.

Bulletin des lois de la république française - N°346 - décret n°6478
Quelques tours sont signalés en France avant cette date, du moins dans leur méthode de fonctionnement, en particulier à Marseille et à Bordeaux. (NB le premier document présenté dans cet article date de 1810).
Notez qu'aucun tour n’a été ouvert dans les départements du Doubs, du Gers, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de la Haute-Saône et des Vosges.
Exposé ou abandonné ?
Quelle est la différence entre l’exposition et l’abandon d’un enfant ? La législation autour de la création des tours d’exposition rappelle que l’enfant exposé est de parents inconnus, contrairement à l’enfant abandonné dont on connait, au moins, la mère. L’enfant exposé est un nouveau-né ou un bébé de quelques jours. L’enfant peut être abandonné à un âge plus avancé (suite au décès des parents, de leur hospitalisation...)
L’enfant exposé dans un tour est par nature un enfant dont les origines sont soumises au secret, même si la sœur tourière a aperçu la mère déposante.
Enfin, exposer un enfant reste un délit au sens de l'article 349 du Code pénal.

Journal de l'Aveyron - 1845
Le tour d’exposition : une bonne idée
Quand on parcourt les registres d’état civil, on se rend compte que les conditions d’exposition des enfants ne sont pas des plus agréables. Certains enfants sont, certes, bien emmaillotés et déposés sur un lieu de passage (banc, marches de l’église, escalier devant la porte d’entrée de l’hospice), pour d’autres, le début de leur vie semble plus rude (guenilles, exposition dans une maison en construction, sous un arbre isolé…). Le tour est un lieu fermé, qui permet d’avertir le personnel de l’hospice en actionnant la sonnette, et qui assure, à priori, que l’enfant va être pris en charge rapidement.
Le tour permet ainsi à des enfants de survivre, voire de vivre, en évitant tout avortement ou infanticide. Placés à l’hospice, ils deviendront de bons ouvriers et de bons cultivateurs alors qu’abandonnés à eux-mêmes dans les communes, ils deviendront probablement des mendiants.

Rapports et délibérations _ Conseil général de la Vienne - 1836
Le tour d’exposition : une mauvaise idée
Si le tour offre des facilités « d’abandon », mais aussi de discrétion pour le faire, il n’est pas nécessairement une bonne idée pour la société :
La facilité engendre un nombre croissant d’exposition, sans que le département ait nécessairement les ressources financières et humaines (les nourrices par exemple) pour les prendre en charge. Dans certains départements, le personnel des hospices se montre tellement désagréable qu’il dissuade les nourrices de s’engager dans ce travail .
Les tours sont placés au mieux dans les chefs-lieux d’arrondissement. Or ceux-ci sont parfois à plusieurs heures de marche de certaines communes. Les expositions continuent donc d’avoir lieu hors des tours. A contrario, les mères des communes de départements limitrophes n’hésitent pas à exposer des enfants dans les départements voisins et le principe d’anonymat ne permet pas de facturer ces dépenses au département d’origine.

Rapports et délibérations _ Département de Maine-et-Loire Conseil général 1897
Les tours servent parfois à obtenir des allocations « déguisées » par une mère ayant exposé leur enfant et se présentant comme nourrice. Pour pallier ce problème, des préfets prendront des arrêtés pour placer les enfants dans d’autres arrondissements que celui de l’exposition ou de l’abandon.

Journal de l'Aveyron - 1834
La fermeture des tours et les bureaux d’admission
Les ouvertures et fermetures de tours vont se succéder dans les départements. Ils sont 248 en 1811 et 5 en 1862. Dans l’idéal, le gouvernement vise à ce que les filles mères aient les moyens d’élever leurs enfants plutôt que de les abandonner ou de les tuer à la naissance, mais la vie n’est pas si simple.
A la fermeture des tours, 17 départements mettent en place des tours surveillés. Le principe est simple : le poids de l’enfant actionne une sonnette qui avertit le personnel de l’hospice. Celui-ci se précipite alors à la recherche de la personne dépositaire pour connaitre son identité, son domicile et le ou la convaincre de reprendre l’enfant.
Dans les autres départements, ce sont des bureaux d’admission qui sont mis en place à des horaires restreints. On citera le cas du Mans qui se veut respectueux de la naissance « sous X » mais qui souhaite enregistrer de manière systématique l’identité de la mère en promettant de cacheter le certificat de naissance du maire et en gardant « secret » une partie du registre à souche tenu par la sœur de charité ( article 4).

Ecole des communes - 1854 - Arrêté préfectoral pour le tour de la ville du Mans
Pour votre généalogie ?
Que l’enfant soit exposé dans un tour ou dans la rue, c’est le procès-verbal d’exposition, transcrit sur les registres d’état civil, qui permet de connaitre les lieux et conditions de l’abandon.

9 E 229_154 - Naissances à Poitiers - 1815 Archives départementales des Deux-Sèvres et de la Vienne
Certaines objets (carte à jouer, bracelet) déposés avec l’enfant de l’espoir de pouvoir l’identifier de manière sûre au moment où la mère, plus fortunée, pourra le reprendre, sont parfois conservés dans les archives.
Exemple d'un anneau d'enfant exposé trouvé dans un dossier d'archives municipales - Cliché C. Cheuret
Cependant, dans 99% des cas, vous ne retrouverez pas le nom des parents biologiques, ou d’indices précis permettant de les identifier. Votre arbre généalogique laissera apparaitre un « trou ». Pour le compenser, n’hésitez pas à rechercher les lieux de placement et à vous intéresser aux nourrices. Votre ancêtre était-il placé avec d’autres enfants ? La nourrice gardait-elle les enfants longtemps ? Avait-elle des remarques sur les soins qu’elle portait aux pupilles ?
N'oubliez pas que les fermetures des tours ont provoqué le déplacement des enfants dans un même département.
Quant aux tours, ne manquez pas de voir celui de Mâcon lors de votre passage dans cette ville, ll reste l’un des derniers existants en France.
Bonnes recherches !
Cet article a été réalisé dans le cadre du challenge UproG de juillet 2025 sur le thème imposé "un tour d'hospice".
© 2025 Généalanille Article publié le 28 juillet 2025