Se remarier sans avoir divorcé : ce qui ne disent pas les actes
Comment un couple peut-il se remarier sans avoir divorcé ? Les actes d’état civil cachent parfois des secrets que seule leur lecture attentive peut permettre de déceler.

Dans les registres trois mariages
- 11 juillet 1813. Louis Camboulives épouse Marie Vaysse au Piboul (commune de Sainte-Juliette) dans l’Aveyron.
- 23 octobre 1819. Louis Camboulives épouse Françoise Camboulives à Arvieu dans l’Aveyron. Il n’est pas fait mention de sa première épouse.
- 13 février 1822. Marie Vaysse épouse Jean-Baptiste Durand au Piboul dans l’Aveyron. Il n’est pas fait mention de son premier époux.
Autre indice : il n’y a pas de divorce entre 1813, date du mariage, et 1816, date de la loi interdisant la possibilité de divorcer.
D’où une interrogation ? Le maire n’aurait-il pas fait les vérifications d’usage ou s’agit-il d’un cas de bigamie ?
La réponse dans la justice
1813 : Marie Vaysse est courtisée par Louis Camboulives qui lui demande sa main… pour éviter de partir à l’armée. Elle refuse et le jeune homme s’adresse à son futur beau-père pour arranger le mariage. Après avoir employé les moyens de douceur auprès de sa femme, le père Vaysse a utilisé des moyens de rigueur, en l’occurrence en s’armant d’un bâton avec lequel il tapait sur une table et menaçait sa fille et le reste de la famille qui lui résistait. Bien entendu, le tout devant témoins, dont la sœur de Marie, récemment mariée.
Le père s’est empressé d’aller voir le notaire avec le père de son gendre, mais sans emmener sa fille, ce qui n’a pas manqué d’étonner la population. Il a justifié sa démarche en expliquant l’urgence de sauver Louis Camboulives de la conscription. La population savait.
Le jour du mariage, deux des témoins, au moins, étaient au courant de cette entourloupe. Ils ont signé l’acte devant une Marie Vaysse en pleurs et inconsolable. A peine on l’entendit prononcer la formule de son consentement au mariage. A la sortie de la mairie, les deux époux sont partis, chacun de leur côté, sans faire la traditionnelle fête familiale. Depuis, ils ne se sont plus revus. Car si Marie, en fille respectueuse, a finit pas se soumettre à la volonté de son père pour épouser cet inconnu, son refus a été établi par son obstination à ne pas vouloir cohabiter avec son mari. Ainsi, elle n’a jamais quitté le toit familial, et son père ne l’a pas forcée à aller habiter avec son mari.
C’est au printemps 1819 que la justice a été sollicitée pour annuler ce mariage, à défaut de pouvoir divorcer. Louis Camboulives rapportera à un témoin « je sais bien que Marie Vaysse n’a jamais voulu de moi mais peu m’importe, je cherchais et j’ai trouvé le moyen de me tirer de la conscription et dans tous les cas il m’en coutera moins de faire prononcer mon divorce qu’il m’en eut couté d’acheter un homme pour me faire remplacer. »
Tous les témoins étant unanimes sur les circonstances, la justice a pu faire annuler le mariage, permettant à Louis Camboulives de contracter mariage avec une autre personne, qui, nous l’espérons fut consommé. Quant à Marie, remariée à 31 ans, elle eut la joie de vivre avec son nouveau mari et d’avoir plusieurs enfants.
Un dernier détail
Si vous avez eu la curiosité de lire les actes, il reste un dernier détail à découvrir, le jeune marié est né en 1783. A la période de son mariage, en 1813, il a donc 30 ans. Sa classe de conscription est celle de 1803 et n'est pas, à priori, une de celles rappelées par les levées massives. Un nouveau mystère à éclaircir.
Et dans votre arbre ?
Il est fort probable que vous n’ayez pas ce cas dans votre arbre généalogique. Veillez à bien vérifier que, pour les périodes où le divorce est interdit, les futur(e)s soient célibataires ou veufs afin d'éviter de soupçonner un cas de bigamie.
© 2024 Généalanille Article publié le 16 décembre 2024
Image Coll. C. Cheuret