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Séquestrée par sa famille pendant 2 mois

Séquestrée par ses frères et sœurs

Le 10 mars 1879 Marie Jeanne et Jean Antoine Aldebert de Graissac en nord Aveyron sont condamnés à un an de prison chacun pour avoir séquestré leur sœur Marie.

Deux mois dans un cachot

Du 6 avril au 28 juin 1878, Marie Aldebert a été enfermée par son frère et sa sœur dans un cachot de 2m sur 1 au milieu d’une écurie occupée d’un côté par des cochons se vautrant dans un fumier immonde et de l’autre des vaches et des brebis, le tout parfumé d’émanations putrides et dans l’obscurité (puisque la lucarne a été bouchée avec de la paille).

La cage est entièrement fermée du sol au plafond avec de vieilles planches , de piquets et d’échelles de char. Quelques interstices entre les planches solidement cloutées qui la compose permettent cependant le passage d’un bras pour donner de la nourriture.

A l’intérieur a été posé un grabat avec un peu de paille et à l’extérieur une chaine de fer retient la porte.

Interdite de communication…

Marie Aldebert, enfermée dans sa cage, hurle. Les voisins alertés viennent voir mais ils sont menacés par le frère et la sœur et vont très vite arrêter de se mêler à cette affaire.

D’ailleurs, c’est facile à comprendre : Marie est atteinte d’aliénation mentale et pour sa sécurité et celle des autres elle ne doit parler à personne. Pourquoi est-elle enfermée ici ? C’est par ordre de la justice !

L’écurie n’est séparée que de quelques mètres de la maison d’habitation et la visite de celle-ci par le juge d’instruction indiquera qu’un galetas aurait pu être installé près des 3 autres lits.

Quelques personnes viennent dans la basse-cour et Marie les interpellent pour leur demander de l’aider à sortir. Mais la famille veille et la sœur répond même “ qu’avec le vent du midi elle est encore plus folle ” et en profite pour menacer la voisine.

… et de sortie

Marie ne peut pas parler, elle ne pas non plus sortir si ce n’est 4 ou 5 fois en deux mois. Certains témoigneront cependant avoir mangé avec elle à la table familiale, comme Augustin Lagriffoul, père d’Henri, 13 ans, berger embauché par la famille Aldebert qui affirme avoir partagé un aligot avec elle .

Pierre Antoine, le frère ainé, indique qu’un jour où il était venu voir sa mère, sa sœur Marie était partie courir dans les prés…

La liberté

Le 28 juin 1878, Marie parvient à se hisser le long de la cage et à faire tomber une planche. Elle passe sa tête à travers le trou puis son corps avant de se laisser tomber par terre la tête la première. Ayant quitté ses vêtements pour l’opération, elle se retrouve dénudée, meurtrie et allongée dans le fumier.

Elle quitte la ferme familiale mais n’a plus de logement, de provisions et d’argent. Elle est obligée de demander la charité mais ne souhaite pas porter plainte contre sa famille.

Comment en est-on arrivé là ?

Marie Aldebert est née en 1831 à la Borie commune de Graissac dans l’Aveyron. Elle a deux frères et une sœur :

  • Pierre Jean, né en 1829, marié deux enfants,
  • Jean Antoine né en 1836, célibataire
  • Marie Jeanne née en 1833, célibataire.

En 1845, le père, Régis Aldebert, meurt à l’âge de 45 ans.

Marie accouche comme fille mère en 1853 chez son frère ainé d’un enfant, Marie Polonie, qui décède 20 jours plus tard.

Les quatre enfants restent finalement célibataires jusqu’en 1869 où l’ainé épouse Marie Jeanne Millau qui a 13 ans de moins que lui.

Le besoin de se soigner

Marie Aldebert travaille comme servante chez plusieurs maîtres pendant plus de 18 ans. Son camarade de première communion, conseiller municipal, indiquera même qu’elle « s’est sous louée » depuis l’âge de 15 ans. Elle est embauchée pour des saisons de juin à octobre, de pâques à pâques ou d’hiver en hiver « comme à la mode du pays. »

Elle tombe malade à 47 ans et doit se reposer.

Elle prend en sous location le 15 octobre 1877 un appartement au hameau Rouchaudy dans la commune de Graissac. La locataire est Mme Martin épouse Goutal qui est partie vivre dans un autre hameau et a bien précisé que le bail se termine en avril de l’année suivante.

Comme elle connaît les mauvais penchants de ses frères et sœurs qui vivent avec leur mère, âgée et malade, Marie Aldebert a préféré cette option à celle de retourner vivre dans la maison familiale au Batut. D’ailleurs, elle peut se le permettre avec ses 1700 francs d’économies rudement gagnées.

Ses frères et sœurs ne l’abandonnent pas pendant sa maladie. Marie Jeanne lui apporte tous les jours des provisions qu’elle est obligée de laisser soit sur la fenêtre (si Marie n’ouvre pas la porte), soit sur le seuil de la porte (si Marie lui ouvre et la menace avec une hache.) Car Marie ne souhaite plus voir ses frères et sœurs qui la supplient de venir à la maison et elle a décidé de fermer la porte à clé.

Un jour où la sœur cadette a pu entrer, elle témoigne que des vêtements en lambeaux et des objets ont été brûlés. Marie répond à cette remarque, selon sa sœur, que le diable et les témoins l’ont tourmenté et qu’elle continuera de brûler d’autres objets tous les jours.

Marie Jeanne donne l’ordre au voisin de ne pas lui donner du feu et la prive d’allumettes, pour sa sécurité.

Le bail n’est pas renouvelé

Le bail de location de l’appartement arrive à sa fin mais Marie ne veut pas quitter les lieux. Il faut l’intervention du conseiller municipal et du garde champêtre pour faire évacuer Marie. On est en mars 1878 et ses 3 frères et sœurs sont sollicités pour qu’elle rejoigne la ferme familiale. Elle y reste une quinzaine de jours où elle mange avec eux au même pot et repart dans son appartement.

Le 6 avril 1878, le juge de paix intervient. Il faut quitter les lieux. Les 3 frères et sœurs sont venus l’aider à déménager pour retourner dans la ferme familiale mais la porte est close et il faut utiliser un enfant et lui faire escalader la fenêtre pour aller ouvrir la porte fermée de l’intérieur.

Marie est à nouveau dans la ferme familiale et après le repas du soir, elle part dormir avec sa mère. Une demi-heure plus tard, son frère et sa sœur viennent la sortir du lit, l’un en l’attrapant par les pieds, l’autre par la tête et l’emmènent de force dans l’écurie sous les yeux d’Henri Lagriffoul le jeune berger. Les accusés et le jeune homme affirmeront qu’elle y a été de bonne grâce et sur ses deux jambes.

Pourquoi l’enfermer ?

Malade, ayant quelques économies, le plan machiavélique des deux cadets de Marie était de continuer de l’affaiblir pour lui prendre son argent. Son frère ainé ira d’ailleurs en son nom chercher sa malle mise en dépôt chez un de ses anciens maîtres et ils piocheront largement dans les avoirs de la victime (argent, billets de change, bijou en or mais aussi les provisions de nourriture).

152 francs seront utilisés pour frais « d’entretien et de nourriture de Marie. »

La justice sollicitée

Marie ne veut pas porter plainte pour séquestration, mais l’absence d’argent va la mener à aller voir le juge de paix. L’argent restant et quelques provisions (sauf les pommes de terre qu’ils n’ont plus à cette époque) sont restitués à Marie sous les yeux du maire et du garde champêtre.

En fin d’année, le 29 décembre, Marie est vue chasser, hache à la main, sa sœur Marie Jeanne qui lui jetait des pierres. C’est peut être le déclenchement de l’accusation de séquestration et vol.

Le 30 janvier 1879, les 3 frères et sœurs de Marie sont arrêtés par les gendarmes à pied de Ste Geneviève Joseph Ligier et Eugène Brunel. Ils sont emmenés au dépôt de la gendarmerie avant d’être transférés à la prison d’Espalion.

Pierre Jean est relâché, les deux autres sont transférés le 28 février 1879 à la prison de Rodez et jugés le 10 mars. Ils prennent 1 an de prison et reviennent finir leur vie à Graissac.

Et la mère ?

La mère ne peut pas avoir ignoré ce qui s’est passé. Bien que malade et âgée (plus de 80 ans), elle était dans le même lit que sa fille quand cette dernière a été jetée dans le cachot de l’écurie.

Interrogée, elle semble avoir perdu ses esprits (“elle est retombée en enfance”) mais juge ses enfants de coquins.

Elle décède le 18 septembre 1879 à Vitrac à l’âge de 86 ans.

Sources: 4E98-6/AD12, 4E98-7-AD12, 2U499-AD12, Journal de l’Aveyron

© 2016 Généalanille Article publié le 3 mars 2016

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